Bercy pique dans les portefeuilles |
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Dans lenseignement, plusieurs nouveautés lancées par Jack Lang ne survivront pas aux 40 millions de crédits supprimés pour les dépenses pédagogiques.
Les bruits de guerre en Irak ont éclipsé le premier véritable acte de rigueur du gouvernement. Le Journal officiel a publié le 15 mars un décret dannulation de crédits à hauteur de 1,4 milliard deuros dans différents budgets civils. Hier, devant le gouvernement, Jean-Pierre Raffarin a justifié cette mesure par la nécessité d« affronter le ralentissement de la croissance internationale ». Mais, à la différence du gel décidé en février, qui portait sur 3,9 milliards deuros, lannulation est un véritable couperet. Grosso modo, elle divise par deux les crédits civils supplémentaires votés par le Parlement en décembre.
Du côté de Bercy, le discours se veut rassurant. Alain Lambert demeure ferme sur les principes: lÉtat dépensera les 273 milliards deuros votés par le Parlement, ni plus, ni moins. Une annonce qui fait mine dignorer que Bercy a décidé de supprimer les 11 milliards de « crédits de report », accumulés sur plusieurs années, pour ne conserver quun petit reliquat de 2002 : environ 700 millions. Résultat, alors quen 2002 lÉtat avait contribué à la croissance, il devrait cette année, contribuer au ralentissement économique. Parmi les lignes budgétaires annulées, quelques victimes ne feront pas pleurer les Français : la Direction générale des impôts devra se passer de 24,6 millions de « dépenses diverses », comme les services généraux de Matignon (-2,6 millions). Mais à lheure des fermetures de Metaleurop et de Daewoo, la ligne « reconversion et restructurations industrielles » du ministère de lIndustrie doit, elle, sacrifier 4,9 millions. Revue des principaux ministères et secteurs mis au pain sec.
Les universités nont pas fini de racler les fonds de tiroir pour payer leurs factures. Si les annulations de crédits de lÉducation nationale touchent lensemble des secteurs, jeunesse comprise, cest le supérieur qui paye le prix le plus élevé. Les autorisations de programme, qui permettent de lancer des chantiers nouveaux et dassurer la maintenance lourde, perdent 65 millions deuros; à ajouter aux 38 millions de crédits de paiement annulés sur les mêmes chapitres budgétaires. La promesse dune rentrée très tendue est inscrite dans ces coupes annoncées.
Dans lenseignement scolaire, les nouveautés lancées par Jack Lang ne survivront pas: les 40 millions de crédits supprimés pour les dépenses pédagogiques condamnent aussi bien les classes à parcours artistique et culturel que les projets de généralisation de lenseignement des langues vivantes dans le primaire. Les handicapés, pourtant cause nationale et priorité présidentielle, sont également touchés: -16 millions de crédits pour les actions pédagogiques dans le primaire et le plan daccès à lautonomie des élèves handicapés.
La jeunesse se réveille elle aussi avec la gueule de bois. Malgré lopération « Envie dagir » que vient de lancer le ministre, 21,8 millions deuros sont supprimés. Et 30 millions de crédits sont annulés pour les bourses détude. Ainsi, hors annulations dautorisations de programme, la Jeunesse et lEnseignement scolaire perdent au total 177,2 millions et lEnseignement supérieur, 43,9 millions.
Bercy a coupé à la hache dans « la ligne fongible » qui regroupe les crédits dévolus à la construction et la réhabilitation de HLM, mais aussi les financements destinés à lAgence nationale de lhabitat qui accorde des subventions pour améliorer le confort des logements privés. Sur une enveloppe totale de 1,002 milliard deuros, Bercy a demandé 121 millions deuros déconomies à Gilles de Robien. « Sur le terrain, cela se verra à partir de 2004. Il y aura moins dimmeubles construits et donc moins de logements livrés. On réhabilitera moins de bâtiments aussi », se désole un responsable de lUnion sociale pour lhabitat qui regroupe les organismes de HLM. Ces coupes interviennent alors que la Fondation Abbé-Pierre salarme dune crise du logement marquée par une forte pénurie locative. Elles sont aussi critiquées parce quelles contribuent à plomber la croissance.
Le ministère a perdu 117,8 millions, dont 38 pour le seul CNRS. Une coupe qui a provoqué les premières manifestations « anti-gel » à Paris, où environ 6000 personnes ont défilé, comme à Toulouse et Marseille où une centaine de chercheurs du CNRS, de lInserm et des universités ont protesté en arborant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Sciences sans finances = ruine de la France », ou encore « No research, no future ». « Fin 2002, lÉtat a supprimé 150 millions deuros de crédits pour la recherche et luniversité », accusent les syndicats, à quoi sajoutent en 2003 « 17 % de gel de crédits de paiement pour la recherche et 25,5 % pour les universités ».
François Fillon a annoncé mardi que 300 millions deuros seront dégagés pour des mesures nouvelles en faveur de lemploi. Mais son ministère contribuera à hauteur de 167,5 millions deuros aux économies demandées à chacun. Ce qui reviendrait à une petite rallonge de 132,5 millions. Non, explique-t-on au ministère du Travail, pour qui ces 167,5 millions en moins ne représentent que 1,1 % dun budget de 15 milliards deuros, soit la marge derreur habituelle des prévisions de dépenses. Le ministère a identifié trois chapitres qui peuvent être revus à la baisse: crédits de formation professionnelle inutilisés, emplois-jeunes non remplacés, subventions à lANPE qui peuvent attendre. Il y aura donc bien 167,5 millions deuros déconomies, tandis que les contrats emploi-solidarité et les contrats initiative-emploi bénéficieront dune vraie rallonge de 300 millions. En partie financée par redéploiement des crédits du ministère, concède-t-on Rue de Grenelle.
133,2 millions deuros. Cest le chiffre des crédits qui disparaissent au titre « transports et sécurité routière ». Cette décision tombe alors que lAssemblée a adopté hier le projet de loi contre la violence routière. « Pour une priorité présidentielle, il ny a jamais eu de ligne clairement dégagée », commente Geneviève Jurgensen, de la Ligue contre la violence routière. Quels domaines seront concernés par lannulation de ces crédits ? Le ministère des Transports assure que « les actions de sécurité routière » ne seront pas touchées. « On essaie de jouer sur ce qui fait le moins mal », ajoute-t-on. Certaines études non engagées pourraient être différées. Dautres ne seraient pas reconduites, notamment des travaux destinés à améliorer la connaissance scientifique. Quant à la participation de lÉtat à certains montages avec les collectivités locales, elle pourrait être revue à la baisse.
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