Les agents s'inquiètent du niveau de leurs pensions

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Le Monde du 15 avril publiait cet article, signé Laetitia Van Eeckhout

En défendant les trente-sept ans et demi de cotisation, les fonctionnaires s’arc-boutent-ils sur un privilège ou cherchent-ils à préserver un droit, de leur point de vue, légitime ?

Avec l’allongement de la durée de cotisation à quarante ans, beaucoup craignent de voir leur pension restreinte. Aujourd’hui, pour nombre d’entre eux, elle n’atteint déjà pas le taux de liquidation fixé dans la fonction publique à 75 % du dernier traitement (hors primes). Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des affaires sociales, au sein de la fonction publique d’État, seuls 71,6 % des hommes et 50,6 % des femmes liquident leur retraite avec une carrière complète, c’est-à-dire avec les trente-sept annuités et demie requises. Cette proportion tombe à 58,7 % des hommes et 22,3 % des femmes chez les agents hospitaliers et ceux des collectivités locales.

Ainsi, de nombreux fonctionnaires partent d’ores et déjà avec une retraite minorée, n’ayant pas, au moment de leur départ, les années de cotisation requises. Plutôt que de continuer à travailler jusqu’à atteindre les 37,5 ans de cotisation qui donnent droit à une retraite pleine, la plupart préfèrent quitter leur poste dès qu’ils ont rempli les conditions d’âge (60 ans pour les agents en service sédentaire, 55 ans pour ceux en service dit « actif », comme les instituteurs, les infirmiers, les policiers, les pompiers, les agents d’exploitation de l’équipement). Ainsi, selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), seuls 26 % des fonctionnaires sédentaires font liquider leur retraite au-delà de 60 ans.

Cette tendance à partir le plus tôt possible à la retraite affecte en particulier les enseignants: nombre d’entre eux, se disant « usés, lassés » par leur métier, désirent s’arrêter dès que possible, quitte à rogner sur leur pension. Pour eux, un allongement de la durée de cotisation signifierait une réduction plus importante encore de leur niveau de retraite.

Cette réduction serait d’autant plus conséquente que serait instaurée une décote par année manquante. Aujourd’hui, le manque d’une annuité entraîne une baisse de 2 points de la pension liquidée. Mais si cette baisse était accentuée par une décote de 10 %, le manque à gagner pour trois années en moins, par exemple, passerait de 6 % à 36 %. « L’instauration d’une décote est autrement plus redoutable que le simple allongement de la durée de cotisation », s’inquiète un responsable syndical devant ce qu’il considère comme une des mesures les plus explosives.

Alors que le gouvernement fait du passage aux quarante ans de cotisation le symbole de sa réforme, les syndicats tiennent à élargir le débat. Plutôt que de défendre coûte que coûte les trente-sept ans et demi de cotisation, la plupart des organisations mettent en avant la nécessité d’un « taux élevé » de remplacement, à 60 ans.

Nombre de fonctionnaires semblent aujourd’hui résolus, au nom de l’équité, à accepter un alignement de leur durée de cotisation sur celle des salariés du privé, si toutefois des mesures de compensation sont prises. Parmi ces contreparties attendues figurent la prise en compte de la pénibilité de certains métiers, des périodes non travaillées et des années d’études, et, surtout, l’intégration d’une partie des primes dans le calcul de leur pension.

Pour les fonctionnaires, la pension est calculée à partir du seul traitement de base, hors rémunérations indemnitaires et accessoires. Or, ces primes constituent une part importante de leur revenu d’activité: 17 % du traitement brut en moyenne (hors militaires et policiers), selon l’INSEE. Ce faisant, elles ont un poids très variable selon les emplois, allant de 4 % en moyenne du traitement pour les professeurs des écoles jusqu’à 40 %, voire plus, pour les cadres. Ce qui conduit, pour des carrières complètes, à des taux de remplacement réels bruts allant de 72,1 % à 55,1 % selon le COR.

Ce sujet est d’une extrême sensibilité, particulièrement chez les hauts fonctionnaires, comme en témoigne la lettre adressée le 5 mars au premier ministre par le Groupe des associations de la haute fonction publique (G16) pour attirer son attention. Plus de 3000 hauts fonctionnaires et magistrats de l’ordre judiciaire ont apporté leur soutien à cette démarche.

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