Les provocations de X. Darcos
dans Libération, le 27 janvier

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L'interview dans Libération,
le 27 janvier 2003

Le communiqué de presse du S4,
le 28 janvier 2003


Les derniers chiffres de la violence montrent un recul par rapport à 2001. On assiste pourtant à une multiplication des arrêts de travail. Que se passe-t-il ?

Il y a une hypersensibilité des personnels. Les décisions que nous avons prises ont des effets les chiffres le montrent , les gens se sentent soutenus. Mais il y a un effet pervers: les professeurs supportent de moins en moins ces situations. Là-dessus, il y a une sorte d’émulation dans la contestation. Je comprends leur émotion. Mais je ne vais pas fermer tous les établissements pendant des mois ou tous les mettre en ZEP.

Et le « droit de retrait », dont se réclament les professeurs pour arrêter le travail ?

Il est convoqué à titre exorbitant. Entre un ouvrier sur un échafaudage branlant par grand vent et un professeur dans un établissement sensible, la notion de danger grave et imminent, qui fonde le droit de retrait, est tout de même différente. On ne peut garantir à personne de n’être exposé à aucun risque, dès lors qu’il pratique un métier public.

N’avez-vous pas attisé ces revendications en déclarant la guerre ouverte à la violence, l’insécurité, les incivilités ?

Non. D’autant que nous montrons depuis plusieurs mois que les situations peuvent se régler. Et nous sommes, systématiquement, du côté des personnels, y compris contre les commissions d’appel devant lesquelles les élèves contestent parfois les décisions des équipes éducatives. J’ai toujours donné raison aux équipes, je suis de leur côté. Mais ce n’est pas une raison pour devenir intolérant à tout. Être enseignant, c’est accepter d’affronter les élèves tels qu’ils sont, ou alors il faut changer de métier.

Ou changer le métier, c’est-à-dire la façon de travailler ? À Londres, vous avez observé une situation bien différente…

Oui. La notion de communauté scolaire prend un tout autre sens qu’en France. Les personnes qui travaillent dans les établissements scolaires sont tour à tour enseignant, assistante sociale, orientateur, travailleur social, intermédiaire vis-à-vis des familles ou du quartier… Cette polyvalence crée d’emblée un état d’esprit différent ; j’ai senti des relations plus naturellement respectueuses qu’en France, moins marquées par la hiérarchisation des rapports. De même, évidemment, que la présence continue de tous les adultes, enseignants compris ces derniers passent 32 heures et demi par semaine dans leur établissement. Tout cela est à l’évidence efficace pour améliorer le comportement des élèves. Quand je parle de rouvrir le dossier du métier d’enseignant, je pense à ce genre de questions. Mais il faut continuer à privilégier la chose scolaire sur la chose sociale, ce qui ne me semble pas toujours être le cas, aujourd’hui, dans les écoles publiques anglaises.

Elles vont aussi plus loin dans le répressif…

Ce n’est pas sûr; le système de sanctions est différent. En tout cas, elles ne reculent pas devant les symboles. Je ne sais pas si on pourrait avoir en France, comme je l’ai vu à Londres, un policier en uniforme dans un collège, avec son bureau, ses menottes, sa matraque et sa bombe lacrymogène.

Vous aimeriez pouvoir ?

Ce n’est certainement pas à moi d’en décider, mais aux équipes éducatives, dans les établissements, en liaison avec leurs quartiers. Je constate simplement qu’il n’est pas absurde d’avoir un policier à demeure, auquel les élèves s’habituent, plutôt que d’en voir débarquer brutalement dix, qui ne connaissent pas l’établissement, dans une situation de crise. Le policier que j’ai vu dans cette école londonienne se vit plus comme un intermédiaire que comme une sorte de surveillant général.

[Article paru dans Libération, le 27 janvier 2003]
[C’est nous qui soulignons en rouge]

Communiqué de presse du S4
le mardi 28 janvier 2003

Grève à plus de 50 % dans le second degré
Propos provocateurs du ministre délégué

Les premiers chiffres de grévistes font apparaître une grève suivie autour de 50 % en moyenne dans le second degré, mieux dans les collèges et chez les surveillants et les aides-éducateurs que dans les lycées.

Ce mouvement montre la détermination des personnels à obtenir les moyens d'une meilleure rentrée 2003, le maintien des postes et du statut de MI-SE et des perspectives d'avenir pour les aides-éducateurs. Ils entendent aussi alerter sur les risques que ferait courir une décentralisation qui transférerait aux régions la planification scolaire et une partie des personnels.

Les propos tenus par le Ministre délégué à l'enseignement scolaire X. Darcos le 27 janvier, dans le journal Libération, à la veille du mouvement de grève générale, suscitent la stupéfaction et la colère de très nombreux enseignants. C'est bien le gouvernement auquel il appartient qui a décidé de faire de la répression contre la violence la principale entrée dans les questions éducatives.

C'est bien lui qui n'a cessé de dire que l'outrage à enseignant est insupportable. Comment le ministre peut-il alors s'étonner que les personnels menacés et attaqués décident de faire jouer leur « droit de retrait » pour alerter les pouvoirs publics ? Comment peut-il accuser les personnels d'établissements particulièrement difficiles d'être « intolérants à tout » quand il s'agit d'émeutes, de débuts d'incendie, d'armes qui circulent, d'agressions au couteau et de menaces de mort ? Pourquoi les personnels seraient-ils obligés de subir en plus d'importantes ponctions de salaires quand ils ne peuvent plus travailler ?

Les personnels n'aiment pas le double langage. Ils savent qu'ils seront encore plus privés à la rentrée 2003 des moyens d'encadrer, de surveiller et de prévenir les conduites à risques. Le ministre, loin de répondre aux revendications, fait part de son souhait de rendre les enseignants totalement polyvalents, de les transformer en « assistante sociale, orientateur, travailleur social… » et de les astreindre à une présence de 32 h 30 dans les établissements, au plus grand mépris des équipes pluriprofessionnelles qui s'occupent des élèves au quotidien.

Le SNES rappelle que la seule issue repose sur une politique sociale qui éradique le chômage de masse, sur une politique urbaine qui lutte contre les ghettos sociaux, sur une politique scolaire plus attentive aux élèves les plus fragiles. Il rappelle que cela passe nécessairement par des choix budgétaires en faveur de l'éducation, par des personnels mieux formés, plus nombreux et disposant du temps de travailler en équipes avec des surveillants au statut revalorisé, des CPE, des COPSY, des infirmières et des assistantes sociales en plus grand nombre.

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