À propos de la loi
d'orientation et de programmation
de la justice

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Un éditorial de Jean-Marie Colombani,
Le Monde du 7 août 2002

Réactions syndicales aux dispositions relatives
aux "outrages à enseignant"

Communiqué de presse du 16 juillet 2002
sur le projet de loi


Éditorial de Jean-Marie Colombani,
Le Monde daté du 7 août 2002
Régressions

[...] Le diable, on le sait, se niche dans les détails.

Ce ne sont donc que trois nouvelles dispositions légales – l’une voulue par le garde des sceaux, les deux autres issues d’amendements parlementaires – des textes de loi votés durant une session menée au pas de charge, sous le regard un peu absent d’une gauche sonnée par la défaite.

Trois seulement, et ils n’en sont pas moins terrifiants.

Ainsi donc, le bon sens voudrait que les parents d’un mineur placé en centre éducatif fermé soient désormais privés de la part correspondante de leurs allocations familiales. Il exigerait aussi que l’exceptionnelle procédure du témoin sous X…, ce recours aux accusations de témoins anonymes réservé aux grandes affaires criminelles, soit étendue à de simples dossiers délictuels. Il réclamerait enfin qu’un élève ayant insulté son professeur puisse écoper de six mois d’emprisonnement ferme, le même tarif que s’il avait injurié un policier.

En trois coups, toute notre philosophie du droit et de la justice est ébranlée en son socle, à la fois d’inspiration démocratique, de philosophie libérale et d’ambition humaniste.

Si l’enfant faute, c’est donc que la famille est coupable : plus d’excuse sociale, plus de contexte économique, plus d’environnement culturel. L’enfant criminel est l’enfant mal éduqué. La société, l’histoire, l’inégalité, les héritages, etc., n’y ont aucune part : c’est la faute aux parents.

Si la police, qui a déjà la force du droit pour elle, a besoin de témoins à façon, elle doit pouvoir les trouver sans obstacle aucun, à l’abri de l’anonymat, au mépris donc des droits de la défense. Et l’on n’imagine évidemment pas qu’un tribunal accepte, demain, le témoignage d’un témoin sous X… sur une bavure policière !

Quant au rapport pédagogique, il tombe sous le sens – le bon sens – que c’est un rapport à l’ordre et à la loi : non pas une relation d’éducation et de formation, mais le même type de contrat que celui qu’entretient le justiciable avec les gardiens de l’ordre en uniforme, policiers ou gendarmes.

Politique familiale, droits de la défense, relation pédagogique : en trois dispositions, c’est toute une nouvelle philosophie sociale qui s’affiche. Comme s’il ne fallait retenir des votes du printemps qu’un immense appel à l’ordre, au retour à un ordre immuable. Comme si Jacques Chirac n’avait pas été aussi, sinon d’abord, l’élu de ceux qui espèrent encore d’une France ouverte aux idéaux de progrès et de liberté. La leçon n’aura donc pas servi. Depuis vingt ans, l’extrême droite bénéficie d’une progression continue malgré
tous les bons augures qui l’annoncent régulièrement marginalisée. Pourquoi ? Parce que, à gauche comme à droite, on a souvent jugé que l’extrême droite posait de bonnes questions auxquelles elle apportait de mauvaises réponses. Aujourd’hui, on n’en est même plus là : la nouvelle majorité va jusqu’à adopter certaines des réponses. Au lieu de combattre le Front national, on donne droit de cité à ses idées. De la « lepénisation des esprits », dénoncée par Robert Badinter, nous voilà passés à la lepénisation de nos lois.

J.-M. C.


Réactions aux dispositions relatives
aux "outrages à enseignant"

Lu dans Le Monde du 6 août 2002

Les réactions d'hostilité dominent également à propos des six mois de prison prévus pour sanctionner l'outrage à enseignant, l'autre mesure de durcissement symbolique décidée par les députés.

Mis à part le Syndicat national des lycées et collèges (SNALC-CSEN, minoritaire) qui salue un « retour au bon sens des pouvoirs publics et l'abandon d'une culture de l'excuse aussi pernicieuse que désuète », les syndicats enseignants désapprouvent cette disposition.

Jusqu'à présent, le code pénal prévoyait, pour les professeurs, comme pour toute « personne chargée d'une mission de service public », une simple amende de 7 500 euros. Seuls les outrages à « personnes dépositaires de l'autorité publique », policiers et gendarmes, pouvaient être sanctionnés par de la prison.

« Le fait d'aligner le statut des profs sur celui des policiers et des gendarmes, c'est dire que l'autorité du prof et celle du flic sont les mêmes », estime Jean-Marie Maillard, cosecrétaire général du SNES, principal syndicat du second degré. « C'est un glissement de sens époustouflant, qui risque d'être contre-productif et de créer un raidissement chez les jeunes. »


COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AFMJF, AMNESTY INTERNATIONAL, CGT et UGSP, FCPE, FSU et SNPES-PJJ et SNEPAP, G 10 SOLIDAIRES, LDH, MRAP, Réseau CLARIS, SAF, SGEN/CFDT, SM, SNP.

Paris, le 16 juillet 2002

Le gouvernement présente différents projets concernant la sécurité intérieure et la justice qui remettent en cause les libertés individuelles et la protection des individus, particulièrement celles des plus faibles que sont les enfants.

Dans ce contexte, le projet de loi d?orientation et de programmation pour la justice va être présenté aux parlementaires fin juillet-début août. Celui-ci aura des conséquences déterminantes sur l'avenir des enfants et des adolescents mais aussi sur l'ensemble de la société et des libertés. Il est inacceptable que ce projet soit soumis au vote des assemblées dans l'urgence à la faveur de l'été et que, de ce fait, il ne puisse donner lieu à un débat approfondi et contradictoire sur la réalité des phénomènes, des causes, les enjeux et les conséquences des dispositions prévues.

Les organisations et associations soussignées affirment qu'un véritable débat démocratique doit avoir lieu et demandent que l'examen du projet de loi soit repoussé à la session parlementaire de rentrée.

De plus, elles tiennent à manifester leur opposition au contenu du projet qui s'attaque à la spécificité de la justice des mineurs, à l'indépendance de la justice par la remise en cause de la professionnalisation des juges (création de 3300 juges de proximité vacataires correspondant à 580 plein temps) parallèlement à la révision de la loi sur la présomption d'innocence.

La justice des mineurs est particulièrement ciblée. En donnant des compétences pénales au juge de proximité, le projet remet en cause le rôle du juge des enfants. L'ordonnance de 45, qui fait de l'éducatif la règle et de la sanction l'exception, est de fait abandonnée au profit de réponses répressives : les seules réponses proposées aux jeunes en difficulté passent par des mesures pénales qui permettent d'enchaîner une sanction pénale dès l'âge de 10 ans, un placement sanction dans un établissement, un placement en centre fermé, la détention provisoire à partir de 13 ans et enfin la condamnation à une peine de prison. Dans ce dispositif, la prise en charge éducative n'a plus de place et sa légitimité est profondément attaquée.

C'est l'enfance qui est niée à travers la pénalisation dès l'âge de 10 ans. C'est l'ensemble des enfants, susceptibles un jour ou l'autre d'un écart de comportement, qui pourront être sanctionnés. Mais c'est aussi la jeunesse issue des couches sociales les plus défavorisées et de l'immigration qui sera la première victime de ce projet. Le gouvernement refuse de reconnaître qu'il y a une origine sociale à la délinquance donc de la traiter. Les véritables causes des difficultés de ces jeunes et de leur famille que sont le chômage, la précarité, l'exclusion ne sont jamais abordées. C'est pourquoi la prévention, l'accompagnement social et l'action éducative dans leurs différentes composantes, seuls moyens d'enrayer ce phénomène, ne sont pas pris en compte.

Ces nouvelles mesures s'inscrivent dans le cadre plus général de la politique de répression mise en place par le nouveau gouvernement (répression syndicale et associative, sans papiers, etc...). Les organisations et associations signataires se mobilisent dès maintenant pour dénoncer le projet de loi gouvernemental qui ne répond pas aux vrais problèmes et n'apporte pas de véritables solutions mais s'inscrit dans une démarche de plus en plus autoritaire et répressive à l'égard de la jeunesse et des couches populaires en général et contraire aux valeurs d'éducation et de protection que nous défendons .

Organisations et associations signataires :

AFMJF, AMNESTY INTERNATIONAL, CGT et UGSP, FCPE, FSU et SNPES-PJJ et SNEPAP, G 10 SOLIDAIRES, LDH, MRAP, Réseau CLARIS, SAF, SGEN/CFDT, SM, SNP.

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